Conformité, Environnement et développement durable

La taxonomie de l'Union européenne : définition et mise en oeuvre

Des faits, un exemple pratique et une liste de contrôle pour s'aligner sur la taxonomie !

13 minutes10/11/2022

Le temps du greenwashing touche à sa fin. Les entreprises et les institutions financières sont désormais amenées à mettre clairement l'accent sur la durabilité. Par conséquent, l'entreprise durable est devenue bien plus qu'un concept éthique et normatif et doit être soutenue par des faits et des chiffres concrets. Les exigences en matière de rapports non financiers ont augmenté en conséquence. Le règlement européen sur la taxonomie est un élément central de cette évolution vers une durabilité qualitativement mesurable. Mais qu'est-ce que cela signifie pour votre entreprise ? Dans cet article, découvrez les éléments clés et le contexte de la taxonomie européenne. Vous découvrirez les circonstances dans lesquelles le règlement s'applique, ainsi que les exigences que les entreprises doivent remplir pour s'aligner sur la taxonomie. Vous bénéficierez également d'une liste de contrôle avec des étapes spécifiques pour vous guider dans votre démarche d'alignement sur la taxonomie, ainsi qu'un exemple pratique pour vous aider à clarifier les différentes situations. Cliquez sur les rubriques ci-dessous pour naviguer dans l'article :

La taxonomie européenne en bref

Le 21 avril 2021, la Commission européenne a adopté de nom­breuses mesures sur la finance durable. Cet ensemble de mesures ambitieuses et complètes vise à faciliter le suivi des flux de capitaux vers des activités durables dans l'Union eu­ropéenne. Une partie clé de ces mesures est la taxonomie de l'UE, plus précisément connue sous le nom de Règlement sur la taxonomie (règlement (UE) 2020/852). Il s'agit d'un ensemble de critères d'évaluation qui permet de déterminer si une en­treprise contribue de manière significative au développement durable, en particulier à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à celui-ci. Au-delà d'une contribution significative à un ou plusieurs objectifs environnementaux, l'entreprise concernée ne doit nuire à aucun des autres objec­tifs environnementaux. En outre, la taxonomie de l'UE exige également le respect de normes sociales minimales. Pour la première fois, la taxonomie a créé un cadre réglementaire qui définit ce qui caractérise une entreprise écologiquement durable.

Critères de durabilité dans le règlement sur la taxonomie européenne

Le règlement sur la taxonomie stipule qu'une entreprise est "écologiquement durable" si...

Les 6 objectifs environnementaux de la taxonomie de l'UE

  • Atténuation du changement climatique

  • Adaptation au changement climatique

  • Utilisation durable et protection des ressources en eau et des ressources marines

  • Transition vers une économie circulaire

  • Prévention et contrôle de la pollution

  • Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

Critères d'évaluation technique et exigences de performance

Les contributions aux objectifs environnementaux sont étayées par des critères définis dans d'autres actes délégués, et par des références de différents règlements et lignes directrices de l'UE. Les entreprises doivent démontrer que leurs activités économiques répondent aux critères d'évaluation technique qui déterminent les exigences de performance pour certaines activités. Bien que les critères de performance se rapportent à chacun des six objectifs environnementaux, ils ne sont actuellement définis que pour les deux premiers : l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à ce changement. Ces critères de performance peuvent être utilisés pour déterminer dans quelles circonstances et dans quelle mesure une activité influence positivement les objectifs environnementaux sans compromettre les autres objectifs.

Il y a également une distinction entre les activités économiques écologiquement durables ("vertes"), les activités habilitantes et les activités transitoires. Ces activités apportent soit une contribution directe et significative, soit sont indirectes, et ont un effet habilitant et soutiennent la transition vers une économie neutre sur le plan climatique. Ce serait le cas, par exemple, si les produits d'une entreprise contribuent à réduire les émissions de GES dans leur phase d'utilisation par les clients finaux ou d'autres entreprises. Les activités habilitantes doivent donc avoir un impact positif tout au long de leur cycle de vie. Les activités transitoires contribuent à un système économique climatiquement neutre lorsqu'il n'existe pas d'alternatives respectueuses du climat pour des raisons techniques ou économiques. Toutefois, ces activités transitoires doivent être les plus respectueuses de l'environnement dans leur secteur et ne doivent pas exacerber les effets de verrouillage.

Bon à savoir : l'effet de verrouillage

Un effet de verrouillage est basé sur une dépendance qui empêche la progression de meilleures alternatives.

Un effet de verrouillage pertinent dans ce contexte est le verrouillage du carbone. Cette dépendance est liée aux combustibles fossiles et est de nature industrielle et technologique. Le verrouillage du carbone est un état persistant dans lequel les barrières commerciales et politiques entravent massivement la diffusion d'alternatives à faible émission de carbone malgré leurs avantages environnementaux et économiques.

Limites et seuils

Les exigences de performance considèrent les activités comme généralement durables ou prennent la forme de limites et de seuils.

Généralement durable

Limites/seuils

Fabrication de batteries permettant de réduire les émissions de GES dans le secteur des transports

La production de ciment est soumise à une limite de durabilité de 0,722 t CO2e/t de clinker et < 0,469 t CO2e/t de ciment fabriqué à partir de liants hydrauliques alternatifs ou de clinker gris

Acier fortement allié produit dans des fours à arc électrique, à condition qu'au moins 70 % de ferraille d'acier soit utilisée

La production de fonte brute liquide est considérée comme durable en dessous des limites d'émission de GES de 1,331 t CO2e/t de produit, tandis que la limite pour l'acier hautement allié fabriqué dans un four à arc électrique est de 0,266 t CO2e/t

La taxonomie de l'UE ne considère les plastiques comme durables que s'ils ont été entièrement produits par recyclage mécanique de plastiques usagés. Le recyclage chimique n'est pris en compte que dans la mesure où aucune méthode mécanique n'est disponible ou si les méthodes mécaniques ne sont pas économiques. Les évaluations du cycle de vie du recyclage chimique doivent démontrer que les émissions de GES sur l'ensemble du cycle de vie sont inférieures à celles des plastiques conventionnels d'origine fossile. Ces évaluations ne doivent pas tenir compte d'éventuels crédits, par exemple pour la dissociation des combustibles fossiles, ni des effets de substitution. Les plastiques biosourcés produits à partir de matières renouvelables, c'est-à-dire la biomasse, les biodéchets industriels et les déchets solides municipaux, sont considérés comme durables s'il peut être démontré qu'ils produisent moins d'émissions de GES que les méthodes de fabrication conventionnelles à base de fossiles. En outre, la culture de la biomasse doit respecter les critères de durabilité énoncés dans la directive (UE) 2018/2001.

Les limites et les seuils résultent des règlements relatifs à l'attribution de certificats d'émission gratuits dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne ou correspondent à un référentiel d'efficacité énergétique. Dans chaque cas, les 10% des meilleures installations de production européenne sont prises constituent la référence. Plus précisément, la référence est déterminée par la moyenne des 10 % d'installations les plus efficaces en 2016 et 2017, conformément à l'annexe du règlement d'exécution (UE) 2021/447).

7 étapes pour mettre en œuvre le règlement sur la taxonomie européenne

Pour se conformer à la taxonomie européenne, les entreprises doivent analyser soigneusement leurs activités et déterminer dans quelle mesure elles contribuent de manière significative aux six objectifs environnementaux. Elles doivent également démontrer que certaines activités n'ont pas d'impact négatif sur d'autres objectifs environnementaux et que les normes sociales minimales sont respectées.

Il est important d'établir et d'adapter les processus de collecte de données, de contrôle et de reporting afin de faciliter le reporting à posteriori des KPI financiers et non financiers. Les entreprises doivent donc intégrer les départements concernés et les autres parties prenantes clés à un stade précoce. Suivez ces étapes pour guider votre démarche vers l'alignement sur la taxonomie :

1. Préparer le rapport de développement durable

Une préparation systématique est une première étape conseillée avant l'entrée en vigueur des exigences légales. Il s'agit de clarifier les objectifs de votre entreprise et de parvenir à une compréhension commune de votre niveau d'ambition. Souhaitez-vous atteindre rapidement l'alignement, vous concentrer sur l'innovation stratégique en matière de durabilité ou mettre en œuvre une gestion de la durabilité à long terme fondée sur l'amélioration continue ? Lors de la prise de décision dans la phase de préparation, il est important de prendre en compte les perspectives qui reflètent le contexte de votre secteur d'activité ainsi que les contributions des différentes parties de votre entreprise (par exemple, le développement durable, le contrôle de gestion, les finances, l'alignement, les départements des ventes et de la production, etc.).

2. Étude préliminaire

Vous devez déterminer les données dont vous avez besoin et les éventuelles lacunes en matière d'information à un stade précoce, idéalement dans le cadre d'une étude préliminaire. Jusqu'à ce que la version finale du CSRD soit publiée, nous vous recommandons également d'acquérir une première expérience avec les normes utilisées à ce jour.

3. Identifier les activités commerciales alignées sur la taxonomie

La fichier d'accompagnement de la taxonomie européenne est une feuille de calcul Excel contenant des informations de base sur les activités commerciales "vertes". Il permet aux entreprises de vérifier si elles exercent l'une des activités énumérées ou si elles contribuent directement à la réduction des émissions de GES d'autres entreprises. Il permet également aux entreprises d'identifier les activités transitoires pour lesquelles il n'existe actuellement aucune alternative respectueuse du climat. Des indicateurs financiers doivent être enregistrés pour ces activités.

4. Examen de la taxonomie pour identifier les contributions importantes

Les critères d'examen technique et les seuils définis permettent d'examiner la conformité aux exigences minimales de la taxonomie. Jusqu'à présent, des exigences ont été publiées pour deux objectifs : l'atténuation du changement climatique et l'adaptation au changement climatique. D'autres actes délégués définiront des critères pour les autres objectifs environnementaux.

5. Évaluation DNSH (Do No Significant Harm)

À l'aide d'une série de questions de contrôle, cette évaluation consiste à vérifier que chaque activité sélectionnée n’a pas d'incidence négative significative sur les objectifs environnementaux.

7. Calcul des KPI financiers

Dans cette étape, il s'agit d'analyser la proportion du chiffre d'affaires, des dépenses d'investissement (CapEx) et des dépenses opérationnelles des activités commerciales (OpEx) dont les étapes précédentes ont montré qu'elles étaient alignées sur la taxonomie. Cette dernière étape comprend également la collecte de documents et de données complémentaires, par exemple les bilans carbone et les analyses de cycle de vie.

KPI de la taxonomie : chiffre d'affaires, CapEx et OpEx

Exemple d'évaluation de l'alignement sur la taxonomie (basé sur l'entreprise Weidner 2020)

Situation de l'entreprise

Un producteur de ciment possédant cinq sites en Allemagne doit démontrer à un investisseur son alignement sur la taxonomie de l'UE et indiquer dans quelle mesure les activités de l'entreprise contribuent à la durabilité. La production de ciment a une forte intensité de carbone en raison des émissions directes de CO2 (c'est-à-dire liées au processus) lors de la production de clinker et des processus à haute température. Les émissions de CO2 liées au processus de calcination représentent environ 65 % des émissions totales. En l'état actuel des choses, ces émissions ne peuvent pas encore être évitées.

Évaluation de l'alignement sur la taxonomie

Les cinq sites de l'entreprise citée produisent exclusivement du ciment, chaque usine contribuant à 20 % du chiffre d'affaires global de l'entreprise. Seules deux usines sont en mesure de respecter le seuil de la taxonomie européenne en produisant du ciment dont les émissions moyennes sont inférieures à 0,722 t CO2e/t. Par conséquent, seules les activités de ces deux sites pourraient être désignées comme écologiquement durables conformément au règlement relatif à la taxonomie européenne. Notez la formulation : "pourraient être désignées". Avant de pouvoir déclarer que ces sites sont conformes aux exigences de la taxonomie européenne, l'entreprise doit démontrer que ces activités respectent le principe DNSH et n'ont pas d'impact négatif sur l'un des cinq autres objectifs environnementaux. Tout d'abord, l'entreprise est en mesure de démontrer que tous ses sites respectent toutes les exigences minimales définies dans les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales.Toutefois, l'une des deux cimenteries se trouve dans une région qui a connu des pénuries d'eau répétées au cours des derniers étés. Les opérations de production de ciment ont donc un impact négatif sur l'objectif environnemental d'utilisation durable des ressources en eau.

Résumé

Étant donné que seuls deux sites respectent le seuil et que l'un d'entre eux a un impact négatif sur un objectif environnemental, l'entreprise ne peut désigner que 20 % de son chiffre d'affaires comme étant aligné sur la taxonomie européenne.

Prochaines étapes

Seules deux des cinq usines de l'entreprise respectent le seuil fixé dans les critères de sélection technique (0,722 t CO2/t). L'entreprise doit donc investir dans des mesures d'efficacité énergétique, des améliorations de processus et des technologies à émissions négatives.

Dans la perspective actuelle, l'utilisation des technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) et potentiellement de captage et d'utilisation du carbone (CCU) semblent inéluctables si le secteur du ciment souhaite être climatiquement neutre. Concernant les émissions indirectes causées par la production de chaleur industrielle, de potentielles réductions peuvent être implémentées grâce à l'électrification et le changement de combustible. L'entreprise prise en exemple investira 25 millions d'euros pour mettre en œuvre les premières mesures au cours des prochaines années, contribuant ainsi à l'objectif environnemental d'atténuation du changement climatique. Dans le cadre d'un projet à plus petite échelle doté d'un budget de 2,5 millions d'euros, l'entreprise investira dans des systèmes de drainage sur l'un de ses sites, ce qui contribuera à la protection contre les inondations et soutiendra ainsi l'objectif environnemental d'adaptation au changement climatique. L'entreprise vise à obtenir des capitaux extérieurs à hauteur de 27,5 millions d'euros pour financer ces mesures. Les investissements de ces mesures peuvent être décrits comme étant pleinement conformes à la taxonomie de l'UE.

Perspectives

Les entreprises doivent s'informer à propos du champ d'application du règlement sur la taxonomie et élaborer des stratégies d'implémentation. En raison de l'objectif de la Taxonomie de canaliser les flux de trésorerie vers des opportunités commerciales durables, il existe une pression croissante pour optimiser les performances en matière de durabilité et produire des rapports transparents. Ce n'est que par une gestion stratégique de la durabilité et en suivant les 7 étapes de mise en œuvre du règlement européen sur la taxonomie que vous pourrez garantir l'accès au marché des capitaux à long terme.

Toutefois, l'évolution de la société dans son ensemble vers le développement durable est un argument de poids en faveur du reporting volontaire de la taxonomie. Votre entreprise bénéficiera d'une demande plus importante sur le marché des capitaux ainsi que de conditions de financement plus favorables pour les programmes de financement et d'investissement publics. La gestion de la durabilité dans le cadre du contenu de la taxonomie de l'UE est un processus d'amélioration continue dans lequel les investissements peuvent généralement être désignés comme entièrement alignés sur la taxonomie. Vous devriez considérer le règlement sur la taxonomie de l'UE comme une occasion de faire avancer le progrès économique et pour votre entreprise de contribuer véritablement à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies.

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