Santé et sécurité au travail

Behavior-Based Safety (BBS) : un comportement plus sûr grâce à un feedback constructif

Interview du professeur Christoph Bördlein

6 min19/06/2023

Si l'approche Behavior-Based Safety (la sécurité par le comportement) est si populaire, c'est parce qu'elle est scientifiquement prouvée et très efficace. Elle était déjà considérée  comme l'une des évolutions clés dans notre Safety Management Trend Report de 2021. Elle complète les pratiques actuelles de sécurité au travail par des approches et des méthodes proactives. Les employés développent notamment une forte conscience des dangers et sont encouragés à travailler en toute sécurité.

Dans notre interview, le professeur Christoph Bördlein explique pourquoi les experts et les managers devraient se détacher des concepts rigides, quelle contribution les collaborateurs peuvent apporter et quel rôle jouent les outils numériques. Psychologue de formation, Christoph Bördlein enseigne à l'université des sciences appliquées de Würzburg-Schweinfurt. Il travaille depuis plus de 20 ans sur la sécurité par le comportement (BBS), a écrit plusieurs livres sur ce sujet et dirige la formation certifiante "Spécialiste Behavior-Based Safety (BBS)".

Le succès de la science comportementale

Professeur Bördlein, pouvez-vous décrire en quelques mots ce qu'est la Behavior-Based Safety (BBS) ? 

La Behavior-Based Safety (BBS) ou la sécurité par le comportement est une approche fortement liée à la science comportementale. Le principe est de définir un certain comportement afin de l'observer et de le modifier si nécessaire. Si je demande à quelqu'un "À quel point êtes-vous conscient de la sécurité ?", la réponse peut être très vague. En revanche, si je détermine qu'un comportement sûr peut être mesuré, par exemple si les employés tiennent la rampe lorsqu'ils descendent un escalier, je dispose alors d'une mesure objective que je peux observer et évaluer. Ce processus de mesure est très utile, non seulement pour la sécurité par le comportement (BBS), mais aussi pour l'ensemble de l'analyse comportementale appliquée. 

Et s'il s'avère que seulement 20 % des employés adoptent le comportement défini comme sûr pour une mesure, comment pourriez-vous influencer cela ?

Le feedback constructif est la clé. Se contenter de réprimander les collègues qui n'adoptent pas ces comportements ne sert à rien, cependant j'encouragerais tous ceux qui les adoptent. Des panneaux d'information appropriés peuvent également aider. Et dans les semaines à venir, nous fixerions des objectifs et des étapes qui permettraient à terme d'assurer une sécurité suffisante. Un autre aspect de l'approche BBS joue ici un rôle important : montrer l'exemple. Si davantage de collègues sont conscients du "problème" et se comportent de manière plus sûre, cela motivera les autres à faire de même.

Encourager les comportements sûrs

Cela semble plutôt simple. Pourquoi pensez-vous qu'il ne suffit pas de donner comme consigne "Tout le monde tient la rampe, s'il vous plaît" ?

Parce que cela ne résout pas vraiment le problème. Les instructions et même les punitions ne motivent pas. Le problème dans de nombreuses entreprises, c'est que les comportements sûrs ne sont pas assez reconnus. La sécurité est souvent associée à un effort supplémentaire. Mais si le responsable se contente de demander "Pourquoi cela a-t-il pris si longtemps ?", cela indique que l'effort supplémentaire n'est pas apprécié.
 

C'est là qu'intervient la sécurité par le comportement. Il ne s'agit pas de critiquer ceux qui ont un comportement dangereux ou peu prudent, mais de donner un retour constructif et d'encourager ceux qui donnent l'exemple en matière de sécurité. L'approche BBS est la reconnaissance et l'appréciation systématiques d'un comportement et d'un travail sûrs. Cette reconnaissance rend de nombreuses personnes plus disposées et motivées à donner l'exemple à leurs collègues, ce qui les incite à leur tour à travailler en toute sécurité. Mais les employés doivent savoir exactement ce que l'on attend d'eux. 
 

Une question de responsabilité

Comment les employés influencent-ils ces objectifs et définitions ?

Tout dépend de la situation. Au début, la sécurité par le comportement était un concept très strict, fortement défini par la direction. Si l'on s'en tient à l'exemple de l'escalier et qu'il s'agit du seul problème de l'entreprise, cela peut bien fonctionner. Cependant, les environnements de travail modernes sont beaucoup plus complexes et les personnes travaillent de manière plus indépendante. Il est donc plus logique de créer des dispositifs BBS pilotés par les employés. Après tout, ce sont les employés qui savent le mieux ce dont ils ont besoin pour travailler en toute sécurité. Ce point de vue et celui de la direction sont très importants.

Concernant le management, dans quelle mesure la Behavior Based Safety est-elle un question de leadership ?

L'approbation du management est aussi importante que l'implication des employés dès le départ. Le désir d'un changement de culture doit venir d'en haut. Ce que je trouve particulièrement utile dans le domaine de la BBS, c'est ce que l'on appelle l'approche basée sur les valeurs. C'est là que l'on peut vraiment prendre les entreprises au mot. Dans leur charte, elles disent souvent que la sécurité et la santé de leurs employés est leur objectif numéro un. Je pose alors les questions suivantes : qu'est-ce que cela signifie dans la pratique ? Où puis-je voir que c'est vraiment si important pour vous ? Nous nous penchons ensuite sur les détails.

Observations mises en pratique et numériques

Qui réalise les observations évaluées ? Il n'y a pas toujours un expert tel que vous dans le bâtiment, et les professionnels de la sécurité ou les managers ne peuvent pas assumer toute la responsabilité.

C'est exact, et ils ne devraient pas avoir à le faire. Les dispositifs BBS pilotés par les collaborateurs, reposent justement sur l'observation mutuelle des employés. Mais ils doivent d'abord passer par un processus d'apprentissage. En général, ils prennent leurs distances lorsqu'ils apprennent qu'ils sont observés. En effet, ils ont constaté au fil des années que l'observation du comportement conduit souvent à des critiques ou à d'autres conséquences déplaisantes. Dans le cadre d'un programme BBS, ils doivent se rendre compte que le fait d'être observé leur apporte un retour d'information positif et les encourage à se comporter en toute sécurité. Cette culture du feedback, même entre collègues, doit faire partie du dispositif.

Les outils numériques peuvent-ils soutenir les programmes BBS ?

Oui, absolument. Les observations automatiques par des systèmes de caméras ou des appareils portables peuvent donner des résultats très précis et objectifs. Mais il faut aussi tenir compte des effets psychologiques. La sécurité par le comportement ne fonctionne que si les employés ont confiance dans le dispositif. Les logiciels et les applications sont également des outils importants, car ils facilitent la documentation et l'analyse des observations. Mais il faut toujours garder à l'esprit qu'en fin de compte, ce sont les relations humaines qui favorisent les changements de comportement. C'est tout simplement différent si une machine me dit que j'ai tout fait correctement que si un collègue me le dit. C'est pourquoi la culture du feedback et la confiance sont essentielles. 

Le professeur Christoph Bördlein a une formation de psychologue et enseigne à l'université de sciences appliquées de Wurztbourg-Schweinfurt. Il travaille dans le domaine de la psychologie comportementale et de la santé et de la sécurité au travail depuis plus de 20 ans. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la sécurité par le comportement.

Prof. Christoph Bördlein, Interview 2021
Professeur Christoph Bördlein
Expert en sécurité par le comportement

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